La récente remise en cause par la Commission Européenne des tarifs d’achat éolien, conséquence indirecte de la réforme de la CSPE – qu’Atlante décryptait dans un récent article – accélère l’insertion des énergies renouvelables (ENR) dans les mécanismes de marché. Dans ce contexte, il est intéressant de revenir sur la question de la parité réseau, critère souvent mis en avant – en particulier pour le solaire photovoltaïque – pour démontrer la diminution de coût des ENR qui renforce leur compétitivité.

Car dire sans plus de précisions que la parité réseau est atteinte dans telle région doit toujours alerter le lecteur sur les hypothèses sous-jacentes, qui sont importantes à rappeler pour apporter un regard critique.

La parité réseau en un mot

Présentée simplement, la parité réseau est un terme économique qui désigne le moment à partir duquel une énergie renouvelable produit de l’électricité au même coût que le prix de l’électricité. Dit autrement, l’électricité produite par l’installation ENR devient compétitive par rapport à l’électricité acheminée par le réseau.

Simple en apparence, la parité réseau recouvre des réalités multiples

Évaluer la parité réseau nécessite d’être capable d’estimer deux facteurs : le coût de production de l’énergie renouvelable d’une part, et le prix de l’électricité d’autre part. Des hypothèses et des paramètres entrent alors en scène :

Tout d’abord, il y a la puissance de l’installation. Elle doit toujours être précisée, car elle détermine le prix de l’électricité par rapport auquel se comparer. En France, une petite production solaire de puissance inférieure à 250 kWc pourra être comparée avec le tarif résidentiel. Une installation industrielle, dont la puissance peut atteindre plusieurs dizaines de mégawatts, sera quant à elle comparée avec le prix du marché de gros, c’est-à-dire le prix auquel les producteurs d’électricité (de centrales nucléaire, de gaz, de charbon….) vendent leur électricité aux fournisseurs.

Vient ensuite la question du coût de production de l’énergie renouvelable, qui est un paramètre difficile à évaluer globalement. Il recouvre un ensemble de critères à évaluer sur la durée de vie de l’ENR, qui varient en fonction de la localisation (réglementation, coûts d’installation), de la géographie (conditions météorologiques, influant le facteur de charge), ou encore de la technologie (rendement, puissance).

Enfin, il faut noter que tous les paramètres ne peuvent pas être pris indépendamment pour résoudre l’équation de la parité réseau : des interactions sont possibles, ce qui complique encore plus l’analyse. C’est par exemple le cas de l’éolien, où la puissance de la turbine et les conditions de vent sont liées : plus l’éolienne est grande, plus la vitesse seuil de vent pour commencer à produire de l’électricité est élevée. Ainsi, dans un endroit où les vents restent faibles, une grande éolienne aura moins de chance d’atteindre la parité réseau qu’une plus petite qui sera, elle, mieux adaptée pour capter les vents faibles.

Pour représenter cette complexité, il est possible de reprendre la figure 1 avec un schéma plus fidèle à la réalité et tenant compte des incertitudes :

La question de l’évolution du système électrique global

Au-delà des réalités multiples qu’elle recouvre, la parité réseau pose la question de l’évolution du système électrique.

Du point de vue d’un particulier, consommer l’électricité de son propre panneau solaire peut être plus avantageux que de consommer l’électricité acheminée par le réseau[1], mais il s’agit là d’une vision micro-économique. L’essentiel est de pouvoir évaluer, du point de vue de la collectivité, les coûts du système électrique dans son ensemble : décentraliser la production avec des ENR plus compétitives implique en effet des garanties de puissance de réserve pour compenser l’intermittence et un renforcement du réseau pour l’adapter à des flux bidirectionnels.

Il n’en demeure pas moins que la parité réseau demeure un éclairage intéressant pour les orientations énergétiques d’un pays, en apportant de la visibilité sur l’accroissement de la compétitivité des ENR pour adapter les leviers de soutien à leur développement.

Si les tarifs d’achat restent répandus, la diminution progressive des coûts des énergies renouvelables permet ainsi leur insertion dans les mécanismes de marché (complément de rémunération sur le prix de marché ou appels d’offre), qui accompagne l’arrivée à maturité des filières et préfigure leur intégration comme des composantes à part entière du mix énergétique aux côtés des énergies traditionnelles.

***

[1] Les cas d’autoconsommation se multipliant, un décret vient d’être publié pour commencer à cadrer cette démarche.