Les 15 et 22 mars prochains, les Français sont appelés aux urnes pour élire leur exécutif municipal. Un vote qui s’inscrit dans un contexte de prise de conscience inédite de l’urgence climatique, dont témoignent les mobilisations citoyennes pour la défense du climat et la percée des formations écologistes lors des dernières élections européennes[1], alors que les événements climatiques extrêmes  se multiplient en France et à l’étranger (tempêtes, incendies géants…). Plus que jamais, les enjeux d’énergie et de mobilité se retrouvent placés au cœur des élections municipales. Mais l’échelon municipal est-il le plus pertinent et le plus compétent pour décider sur ces problématiques ? Autrement dit, les candidats ont-ils réellement les moyens de leurs ambitions en matière d’énergie et de mobilité ?

Du vert au programme !

Les sujets environnementaux auront occupé une place centrale dans la campagne municipale. D’abord par l’importance que leur accordent les électeurs dans la définition de leur vote, comme le montrent plusieurs études d’opinion.

Parmi les mesures jugées très utiles pour agir sur l’environnement et le dérèglement climatique, les Français sondés évoquent en particulier le développement des énergies renouvelables, la rénovation énergétique ou encore le développement de transports respectueux de l’environnement (vélo, train, mobilité électrique…)[2].

Les différents instituts de sondage notent que la préoccupation environnementale gagne toutes les catégories de la population. Immanquablement, les candidats aux élections municipales[3], tous bords politiques confondus, ont saisi l’ampleur de cette exigence environnementale au sein de l’électorat, en témoigne la profusion de propositions « écologistes » durant la campagne municipale.

Cette dynamique semble en premier lieu profiter aux candidats EELV, qui rêvent de générer une « vague verte » lors de ces élections. Le parti écologiste bénéficie de sondages favorables dans plusieurs grandes villes (notamment à Besançon, Bordeaux, Strasbourg, Toulouse…), et pourrait passer la barre des 10% dans plusieurs communes. Cela lui permettrait de participer directement au 2nd tour, parfois dans le cadre de triangulaires, voire de quadrangulaires – si toutefois ses listes sont maintenues.

Mais les autres partis ne sont pas en reste et les propositions environnementales dépassent les frontières du militantisme écologiste. A Toulouse par exemple, l’engorgement du périphérique et les mobilisations citoyennes en faveur du développement des pistes cyclables et de la piétonisation du centre-ville ont conduit l’ensemble des candidats à avancer des propositions en faveur du développement des transports en commun et du plan vélo. Le maire actuel défend la poursuite du projet de troisième ligne de métro, lorsque d’autres candidats se prononcent en faveur du prolongement des lignes existantes, de la création d’un RER toulousain, ou encore de la création de parkings relais géants aux entrées de la ville. A Tours, les propositions en faveur de la création d’espaces verts fleurissent de tous bords, et plusieurs candidats, à l’instar du maire sortant, s’expriment en faveur de plans de rénovation de bâtiments publics et de projets d’énergies renouvelables et de réseaux de chaleur.

Autant d’illustrations qui traduisent l’extension des problématiques écologiques à l’ensemble de la sphère politique. Si ce « verdissement » revêt un caractère local particulier à l’occasion de ces élections, ce mouvement avait déjà été entrevu à l’occasion des dernières élections présidentielles (lire notre article[4]) et européennes.

L’échelon supra-communal au service de la décentralisation énergétique

Les maires disposeront-ils réellement, une fois élus, des leviers nécessaires à la mise en place de leurs promesses de campagne ? Les communes peuvent en effet agir au niveau local en faveur d’une mobilité plus propres et de pratiques énergétiques plus durables. Pour l’illustrer et encourager les candidats au verdissement de leur programme, de nombreux organismes[5], dont l’ADEME[6], ont publié des guides proposant des actions concrètes à mettre en place en faveur l’environnement à l’échelle de la commune.

Cependant, les politiques environnementales locales sont souvent coûteuses, la réalité contraignante des finances publiques impactant inévitablement l’ambition écologiste des élus (d’autant que l’incertitude autour des modalités de compensation de la taxe d’habitation plane sur ces élections). De plus, les problématiques qu’elles tentent d’adresser (pollution, transports, ENR, réseaux…), et qui rencontrent parfois des résistances locales – à l’image des critiques sur le développement des parcs éoliens -, dépassent souvent le seul périmètre de la commune. Un périmètre communal qui, malgré les quelques fusions de communes réalisées ces dernières années, apparaît en effet réduit en comparaison des voisins européens : avec 35 000 communes, la France concentrait en 2018 40% du nombre total de communes au sein de l’Union européenne.

Aujourd’hui, la majorité des décisions en matière de mobilité et de développement durable se prend au niveau intercommunal[7]. En effet, le cadre législatif et règlementaire autour des compétences des collectivités en matière environnementale et de transports a profondément évolué depuis les dernières municipales de 2014[8], consacrant l’échelon intercommunal comme celui de la « coordination de la transition énergétique » et de l’organisation de la « mobilité du quotidien ».

Les intercommunalités occupent notamment un rôle essentiel dans la planification et l’aménagement du territoire.

C’est donc par leur expression intercommunale, et en s’intégrant dans des dynamiques territoriales plus larges, que les prochaines municipalités pourront agir en faveur du développement d’une mobilité plus propre et de la protection de l’environnement.

Les défis de la prochaine mandature municipale et communautaire

Les mandats des conseillers municipaux et communautaires s’annoncent d’ores et déjà chargés sur les compétences environnementales et de mobilité. Voici quelques-uns des défis qui les attendent sur ces sujets dans les prochaines années.

  • Le choix décisif pour les communautés de communes de devenir Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM)

La compétence d’AOM est obligatoire pour les communautés d’Agglomération de plus de 100 000 habitants dans l’aire urbaine, les communautés urbaines et les Métropoles. Les communautés de communes ont quant à elles jusqu’au 1er janvier 2021, pour se saisir de compétence, comme nous l’expliquions dans un récent article[9]. A défaut, c’est la Région qui exercera la compétence d’Autorité Organisatrice de la Mobilité sur le périmètre de l’intercommunalité. A date, seules 100 communautés de communes sur 1 000 ont fait le choix de devenir AOM. Il s’agit d’une décision cruciale qui décidera de l’élaboration et de la conduite des futures politiques de mobilité au niveau local.

  • Le renouvellement des contrats de concession des réseaux d’électricité et de gaz

L’ensemble des contrats de concession des réseaux d’électricité doit être renouvelé d’ici au 1er juillet 2021. Depuis 2018 et l’accord trouvé avec la FNCCR et France Urbaine sur le nouveau modèle de contrat de concession, Enedis a engagé avec les AODE des négociations en vue du renouvellement des concessions des réseaux électriques. De la même façon, de nombreuses AODE, à l’image de la Métropole de Lyon et du SIGERLy (Syndicat de gestion des énergies de la région lyonnaise), sont en renégociation de leur contrat de concession avec GRDF. Dans ce cadre, certains contrats prévoient la mise en place de schémas directeurs des investissements déclinés en programmes pluriannuels de cinq ans.

Ces discussions entre les distributeurs et les AODE sont un moment privilégié pour statuer sur les modalités de gestion des réseaux d’énergie et y intégrer les objectifs de transition énergétique.

  • Développer les clauses de développement durable dans les contrats publics

Le gouvernement a annoncé que la promotion du développement durable dans les marchés publics sera un axe fort des nouveaux cahiers des clauses administratives générales (CCAG) des marchés publics, dont les travaux de refonte ont été lancés en septembre 2019. La concertation qui va s’ouvrir devrait accorder une place centrale à l’expression des collectivités du « bloc intercommunal » (communes, intercommunalités à fiscalité propre, syndicats et syndicats mixtes) qui représentent la majeure partie de la commande du secteur public local (à hauteur de 80% en 2018). Il s’agit ici d’un levier financier majeur à disposition des communes et des EPCI pour agir en faveur du développement durable.

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Si la campagne se joue politiquement et « médiatiquement » au niveau municipal, les compétences environnementales et de mobilité se retrouvent aujourd’hui en grande partie exercées au niveau communautaire. Cette coopération intercommunale a en effet été encouragée au cours des dernières années, le législateur ayant progressivement doté cet échelon d’outils d’aménagement et planification environnementale propres. C’est donc en s’intégrant dans ces projets et stratégies territoriales que les municipalités peuvent, de manière significative, orienter les politiques publiques locales vers des pratiques plus durables, afin d’être à la hauteur de la prise de conscience citoyenne autour de l’urgence climatique.

[1] EELV 3e parti recueillant le plus de vote – 13,47% des suffrages exprimés

[2] https://elabe.fr/francais-environnement/

[3] Plus de 20 000 listes déposées pour un total de 900 000 candidats

[5] https://cler.org/municipales-2020-tour-dhorizon-des-guides-pour-mettre-la-transition-energetique-au-coeur-du-prochain-mandat/

[6] https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/demain-mon-territoire-complet_010970.pdf

[7] Et c’est d’ailleurs en raison du rôle grandissant des intercommunalités (Communautés de communes, Communautés d’Agglomération, Communautés urbaines, Métropoles) dans l’aménagement du territoire et dans la mise en cohérence des politiques communales que l’élection des conseillers communautaires s’effectue depuis 2014 au suffrage universel direct, sur une liste distincte de celle des conseillers municipaux.

[8] Loi MAPTAM (2014), Loi de transition énergétique pour la croissance verte (2015), loi NOTRe (2015), Loi Energie-Climat (2019), Loi d’orientation des mobilités (2019)

[9] https://atlante.fr/blog/la-loi-dorientation-des-mobilites-entre-en-piste/