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A l’heure où l’Allemagne annonce la fin du nucléaire civil d’ici 10 ans et espère ainsi pousser son avantage dans les énergies renouvelables, la France, près d’une décennie après ses voisins, va découvrir une nouvelle énergie : l’éolien offshore.

Le gouvernement devrait publier début juillet un premier appel d’offres pour 3000 MW d’installations éoliennes en mer, réparties sur 5 parcs entre la façade Atlantique et la Manche. Un deuxième appel d’offres, prévu l’an prochain, permettra d’atteindre un total de 6000 MW installés d’ici 2020. Ce programme attendu depuis des années par les acteurs du secteur a pour ambition de structurer une filière française de l’offshore.

Ce gisement d’énergie est très prometteur. L’éolien offshore est certes plus cher que son équivalent terrestre, avec un coût au kWh de 0,14 $ contre 0,08 $, mais il reste parmi les EnR les moins chères (hors énergie hydraulique). Il attire déjà des investissements dans le monde entier, là où l’environnement législatif et la volonté politique sont les plus favorables. En Europe, des banques privées, des institutions financières comme la Banque européenne d’investissement (BEI), des services publics ou des fonds de pension sont désormais prêts à soutenir la filière.

Les experts du GIEC affirment que cette énergie possède un important potentiel de progrès technologique, notamment au niveau des fondations et de la turbine. L’augmentation de la taille des pales et du mât, l’amélioration des logiciels d’exploitation et une meilleure intégration aux réseaux électriques ont déjà permis d’accroître l’efficacité des grandes éoliennes. L’arrivée de nouvelles technologies connexes dans le transport et la distribution, le stockage d’énergie, la gestion de la demande et l’amélioration de la prévision, profitera également à l’efficacité et à la baisse du prix de revient de l’éolien offshore.

Une capacité des éoliennes en croissance constante ©GIEC

En Europe, le Royaume-Uni (1340 MW installé fin 2010), le Danemark (850 MW), et les Pays-Bas (128 MW) sont les premiers pays en terme de parc offshore installés. L’Allemagne, l’Espagne et le Danemark peuvent s’appuyer sur un filière industrielle au savoir faire reconnu, acquis dans la construction et l’exploitation onshore, avec des entreprises comme Enercon, Siemens, E-On, Repower, Acciona, Vestas ou Dong. L’Allemagne est le deuxième producteur mondial d’éoliennes, juste derrière les Etats-Unis. Ainsi, en Europe, les investissements dans l’offshore se multiplient, avec 2,9 milliards d’euros en 2010. La capacité offshore installée a crue de 51% en 2010 en Europe tandis que la croissance de l’onshore se tassait.

La filière française a, elle, accumulé près de 10 ans de retard car le pays a privilégié un mix énergétique centré sur le nucléaire et l’hydraulique et a souffert d’un cadre réglementaire et administratif jugé jusqu’ici peu encourageant et peu lisible. Pourtant le potentiel offshore de la France est indéniable. En effet, la capacité onshore du territoire métropolitain va atteindre rapidement la saturation, du fait des problèmes d’acceptabilité par les populations locales (impact paysager et bruit) et des difficultés administratives rencontrées par les développeurs.

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Effets de sillages sur le parc éolien en Mer du Nord de Horns Rev

Implanté à juste distance des côtes, l’éolien offshore permet de limiter les impacts sur son environnement tout en réunissant des conditions d’exploitations favorables grâce à des vents plus puissants et plus réguliers et des surfaces d’installation plus grandes permettant de limiter les effets de sillage. La France, avec le Royaume Uni, possède le gisement éolien offshore le plus important d’Europe grâce à ses 3500 km de littoral, dont une partie (Manche et Atlantique) à faible profondeur.

Si la France n’a pas encore de filière structurée, elle compte déjà des entreprises qui réunissent un savoir faire sur quasiment toute la chaîne de valeur, en particulier sur les parties à haute technicité. Le secteur aéronautique, EADS Astrium en tête, se lance dans la conception des pales, les industries de construction navale, d’activités portuaires et de genie offshore (STX, Technip) peuvent apporter leur savoir faire pour les fondations, l’installation et la maintenance tandis que la France héberge également des entreprises leaders dans l’ingénierie électrique (Alstom, Schneider) ou les cables sous-marins (Nexans, Silec Cable).

A côté de Vergnet, l’acteur français historique des turbines moyenne puissance, les acteurs français des énergies traditionnelles ne veulent pas rater ce virage de l’éolien Offshore. Technip, par exemple, s’appuie sur ses compétences en plateforme pétrolière pour développer une technologie d’éolienne flottante qui pourrait être utile en France où les fonds sous-marins plongent rapidement en de nombreux endroits. Et l’entreprise, par l’acquisition de Subocean Group en début d’année, a élargit ses compétences dans les cables sous-marin. La France n’a pas encore de champion de la construction du coeur des éoliennes, le générateur, mais Areva et Alstom multiplient les mouvements stratégiques en ce sens. Ce dernier se lance dans un ambitieux projet de construction d’une éolienne de 6 MW et 150 m de diamètre et cherche déjà à développer des capacités de production avec une usine de production sur un grand port français de l’Atlantique ou de la Manche et un équivalent outre manche pour le marché britannique. Cette volonté des acteurs français se manifeste également avec la constitution de 4 clusters dédiés à l’éolien offshore sur les côtes françaises.

Eoliennes vergnet

L’Hexagone doit saisir cette opportunité des deux appels d’offres pour mobiliser son savoir faire. Cette filière complexe est fortement créatrice d’emploi. Selon les calculs de l’administration, cette industrie pourrait créer entre 10 000 et 15 000 emplois à l’horizon 2020 pour l’ensemble du programme offshore de 6 GW dont un tiers en production manufacturière.

Après la catastrophe japonaise de Fukushima, le nucléaire va souffrir d’un niveau d’acceptabilité plus bas parmi les populations mondiales et d’un prix de revient renchéri pour intégrer de nouvelles normes de sécurité. Sans pour autant abandonner notre avantage compétitif sans équivalent, l’incertitude qui pèse sur l’avenir du nucléaire devrait nous inciter à redoubler nos efforts pour diversifier notre mix énergétique et pouvoir rester un pays reconnu dans l’export des technologies de l’énergie. Nous ne pouvons prendre le risque de rester cantonné à être un pays champion du nucléaire tandis que l’Allemagne se positionne comme  leader des énergies vertes. Cela ne veut pas dire que la France doit travailler seule pour construire sa filière. Elle doit chercher à profiter du savoir faire de ses voisins.

Certains acteurs allemands comme Siemens ou E-On ont déjà fait savoir qu’ils étaient intéressés par les appels d’offres français.