L’industrie a déjà réduit de 20% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2019 par rapport à 1990 grâce aux économies d’énergies et à la meilleure efficacité des chaudières industrielles. Le secteur doit cependant redoubler d’efforts pour atteindre ses objectifs de réduction de 35% d’émission de GES en 2030 fixés dans la Stratégie Nationale Bas Carbone.

Une ambition qui passe par l’électrification et qui correspondent aux scénarios les plus élevés décrits dans la publication “Futurs énergétiques 2050” de RTE.

Le gouvernement souhaite capitaliser sur le mix électrique bas carbone Français pour décarboner l’industrie grâce aux technologies de rupture telles que l’électrification des procédés ou le développement de l’hydrogène bas carbone.

Pour cela, des plans d’aides ont été lancés, comme « France 2030 » présenté fin 2021 prévoyant 5,6 milliards d’euros pour la décarbonation de l’industrie, dont 5 milliards d’euros pour déployer des solutions de décarbonation sur les sites industriels.

Cet essor de l’électrification soulève une question : comment les gestionnaires de réseaux électriques s’organisent-ils pour y répondre ?

Décarboner l’industrie, un double défi pour les gestionnaires de réseau

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Sidérurgie, cimenterie, papeterie…tous les industriels investissent massivement pour remplacer leurs machines par des équivalents plus performants et moins carbonés. Certains sites sont plus critiques que d’autres : les 50 plus polluants sont responsables de 55% des émissions de CO2 du secteur.

ArcelorMittal a par exemple investi 1,8 milliard d’euros, dont une partie financée par France2030, sur son site industriel de Dunkerque pour remplacer un haut fourneau fonctionnant au charbon par des fours électriques. Un chantier de taille, qui permettra à lui seul de réduire de 6% les émissions de CO2 de l’ensemble du secteur industriel en France et entraînera une multiplication par quatre de la consommation électrique de l’industriel sur ce site.

A l’électrification de l’existant, s’ajoute l’ensemble des projets de réindustrialisation fortement énergivores, comme la construction de gigafactories pour produire des batteries et moteurs électriques ou encore le développement de datacenters.

Ce mouvement d’électrification et de réindustrialisation induit à la fois des nouveaux raccordements et, pour certains des 475 sites industriels déjà raccordés au réseau de transport, des renforcements du réseaux.

Si les sites avec les besoins les plus importants seront directement raccordées au réseau de transport, la hausse d’activité dans les pôles industriels peut également entraîner des besoins de travaux au périmètre du réseau de distribution, comme à Dunkerque ou à Fos-sur-Mer

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Différents leviers pour passer à la vitesse supérieure

Accélérer les raccordements

RTE indique observer depuis 2021 le doublement des demandes de raccordements industriels, caractérisées par des volumes de consommations plus importants. En effet, ces demandes représentaient auparavant une dizaine de mégawatts en moyenne, lorsqu’aujourd’hui certaines d’entre elles peuvent atteindre des centaines, voire milliers de mégawatts de consommation. 

Les gestionnaires de réseau ont mis le pied à l’étrier depuis plusieurs années déjà pour anticiper cette croissance de la demande. Des plans d’investissements colossaux ont été annoncés. RTE prévoit 33 milliards d’euros d’ici 2035 pour renforcer son réseau de transport, soit une hausse de 50% d’investissements par rapport à 2019. Les demandes des nouveaux sites à Dunkerque représentent à elles seules un investissement de 1,3 milliards à horizon 2030.

Un des enjeux est de sécuriser les délais de livraison des chantiers, pour éviter que les industriels ne diffèrent leurs décisions d’investissement voire se tournent vers d’autres solutions pour atteindre leurs objectifs de décarbonation.

RTE et Enedis se mobilisent pour répondre à ce défi : leurs efforts ont par exemple permis de construire en un an au lieu de trois un poste source à Dunkerque dédié aux activités industrielles. Une réalisation qui illustre également leurs efforts d’anticipation, puisque la mise en service a été réalisées avant que la croissance d’activité ait pu impacter l’équilibre sur le réseau dans le secteur.

Renforcer la planification

Les gestionnaires de réseaux ont en effet un rôle de planificateur dans le temps et l’espace pour répondre à l’accélération de l’électrification. L’afflux massif de demandes de raccordement a obligé les gestionnaires à repenser leurs processus métiers, en concevant le réseau de façon globale, à l’échelle d’une zone industrielle, en mutualisant les nouvelles lignes et en standardisant les matériels utilisés, mais aussi en adaptant leurs méthodes d’implication des parties prenantes.

Par exemple, à Fos-sur-Mer, des concertations ont été lancées en 2023 par RTE avec les élus locaux ainsi que les associations pour valider les trois phases d’un scénario visant à répondre à la hausse de la demande d’électricité à horizon 2028. Une première étape prévoit de mobiliser la capacité résiduelle de production, la deuxième d’optimiser et renforcer le réseau existant d’ici 2026 et la dernière de relier le poste électrique de Jonquières vers le bassin portuaire de Fos d’ici 2028. Un cout de raccordement estimé par RTE à environ 800 millions euros.

Identifier de nouveaux gisements de flexibilités

Un autre enjeu pour les gestionnaires de réseaux électriques est de développer les flexibilités, comme les effacements, pour sécuriser l’équilibre du réseau.

Des mécanismes de soutien ont été mis en place ces dernières années afin de valoriser ces effacements via la vente directe sur les marchés de l’électricité, et RTE a lancé un appel d’offre d’effacement fixé à 8 011 MW en 2023 (contre 7 940 MW en 2022). Cette croissance peut s’appuyer sur la digitalisation, qui permet de développer des protocoles de communication plus performants pour un meilleur suivi de la consommation électrique.  


Le gestionnaire du réseau de distribution est lui aussi confronté aux défis de l’accélération des raccordements, de la planification et des flexibilités. Mais sur son périmètre, l’enjeu en matière de transition énergétique n’est pas tant le raccordement de sites industriels que la croissance des capacités renouvelables et de la mobilité électrique. La trajectoire pour y répondre est détaillée dans le document préliminaire au plan de développement de réseau, publié en 2023.