Le recentrage en cours d’Engie autour de ses activités Énergie – et la création d’une entité services multi-techniques – a remis sur le devant de la scène la question des services énergétique. ENGIE a en effet choisi de conserver avant tout toutes les activités contribuant à la transition énergétique et donc les services énergétiques. L’expression, très utilisée, recouvre une variété de notions. L’occasion pour Atlante de faire le point sur ce marché et son avenir.

A la rencontre des services énergétiques – que sont-ils et à qui s’adressent-ils ?

Un peu de définition pour démarrer. Un service énergétique est une prestation fournie par une entreprise dans le domaine énergétique. Il peut s’agir tout simplement d’une fourniture d’énergie (d’électricité ou de gaz) au client, qui est un service énergétique de base, ou bien de services plus évolués, qui ont fait leur apparition depuis quelques années déjà et qui proposent d’agir directement sur les consommations d’énergie, afin généralement de les maîtriser. Il existe trois segments de clients vers lequel se développent ces services énergétiques : les entreprises, les collectivités territoriales et les clients particuliers.

Les services énergétiques ont commencé à apparaître à mesure que s’est développée une conscience autour des coûts de l’énergie. Les entreprises et les collectivités locales souhaitent maîtriser leurs dépenses en consommant moins et mieux. Avec la transition énergétique, ces services se sont étoffés et proposent aujourd’hui des prestations liées à la smart city, à l’éclairage intelligent, la mobilité verte – avec l’installation et la maintenance de bornes de recharges. Même la fourniture d’énergie a évolué : elle peut maintenant être d’origine 100% renouvelable, à 50% d’origine renouvelable, en provenance d’une coopérative, etc… Ce marché à destination des professionnels est relativement bien structuré, avec des entreprises spécialisées dans les prestations d’audit énergétique, d’études thermiques ou de conseil énergétique.

Le segment des clients particuliers a été investi plus récemment que les professionnels, notamment en raison des problématiques plus différentes et des perspectives de gains plus diffus. Ce marché est aujourd’hui en cours de structuration et d’accélération. 

Le développement de ces marchés a donné naissance à une palette d’activités différentes autour des services énergétiques qu’on peut classer en deux catégories : les services énergétiques à proprement parler, qui peuvent aussi être appelés des services d’efficacité énergétique, et les service contributeurs à l’efficacité énergétique. On y retrouve les services de financement de travaux de rénovation, des services de diagnostics ou d’audit, ou bien encore des services d’assistance à certification. Ces services peuvent être placés sur une « chaîne de valeur », comme présente l’illustration ci-dessous.

Dans cette galaxie, les services énergétiques sont un sous-groupe, qui adressent directement les consommations énergétiques. Comme le montre l’illustration ci-dessus, ils se placent sur le segment « exploitation ». Le tableau ci-dessous donne quelques exemples de services énergétiques :

Les principaux énergéticiens, Engie, EDF, Total Direct Energie proposent des offres de services énergétiques ou contributeurs à l’efficacité énergétique. Majoritairement tournés vers les clients professionnels, ils proposent également une offre de plus en plus diversifiée aux clients particuliers.

Les services énergétiques, l’avenir du consom’acteur de demain ?

Comparé au segment des professionnels, les clients particuliers sont une cible relativement nouvelle en matière de services énergétiques, ciblée par des acteurs d’horizons très différents. Avec les outils numériques et le Big Data, de nouveaux services et acteurs émergent et la concurrence peut être rude.

En premier lieu, les énergéticiens sont un acteur naturel. Ils sont spécialistes du secteur et ont un lien historique avec les clients particuliers. A mesure que les enjeux climatiques et de sobriété deviennent plus prégnants, ces acteurs cherchent à se diversifier pour conserver leurs parts de marchés et pour ne pas être uberisés par d’autres. A ce titre, ils ont diversifié leur offre de fourniture d’énergie : le client peut choisir une électricité verte à 100% ou à 50%, du gaz 100% renouvelable, une offre avec tarifs préférentiels pendant le week-end ou pendant la belle saison. Ces acteurs ont également investi les services énergétiques, créateurs de valeur ajoutée en s’adossant à la fourniture d’énergie. Celle-ci se fait dès lors accompagnée d’un « package de services », comme la possibilité de suivre ses consommations en euros, d’avoir un coach numérique en énergie pour réduire ses consommations ou un service d’analyse de données de consommations. Ces services sont proposés par tous les grands acteurs du secteur : EDF, Engie, Total Direct Energie, mais aussi de nouveaux venus, comme eKwateur.

En face, les GAFAM sont des acteurs de poids pouvant venir concurrencer les énergéticiens dans leurs propositions. Ils ont un atout significatif dans la gestion et le traitement de données et peuvent proposer des services à forte valeur ajoutée avec une meilleure expérience utilisateurs. Ils abordent le secteur de biais, via leurs objets connectés, qui proposent la réalisation d’économies d’énergie de façon simple. Ainsi, Nest de Google a été le premier thermostat connecté grand public, très simple d’utilisation et auto-apprenant. Les assistants vocaux, comme Google Home ou Alexa permettent de connecter entre eux plusieurs objets connectés et créer un véritable écosystème, tout comme le HomeKit d’Apple.

A leurs côtés, les start-ups ne sont pas en reste. Par l’analyse de données ou la création d’objets connectés, elles proposent des services énergétiques innovant visant à diminuer les dépenses énergétiques (ex. analyse de la consommation électrique, comparateur, coach virtuel pour mieux consommer). Ces entreprises comme Wivaldy ou Ecojoko se placent entre le client et son fournisseur et investissent la place de tiers de confiance.

Enfin, s’ajoutent les acteurs de la domotique. Ils proposent via leur gamme d’objets connectés, tels les thermostats intelligents de Netatmo, racheté par Legrand, ou les box domotiques comme celles de Deltadore ou Somfy, de lier les usages entre eux (ex. diminuer la climatisation et fermer les volets roulants). L’objectif est de mieux habiter sa maison, et donc de mieux consommer.

Dans cet écosystème, il semble que le vainqueur sera celui qui connaîtra le mieux le client et sera à même de lui proposer le meilleur service énergétique. L’avenir pourra être une guerre rude entre acteurs, ou bien un avenir de partenariats, entre énergéticiens, startups et plateformes d’agrégation de données énergétiques.

Dans ce panorama très riche, un bémol cependant : l’engouement limité des consommateurs à date. En effet, l’énergie n’est pas un secteur comme les autres. Longtemps l’énergie, et l’électricité en particulier, ont été associées à un « tarif » et non pas un prix. Le fait de n’avoir comme interlocuteur qu’un énergéticien, qu’il soit gazier ou électrique, a créé les conditions pour un comportement assez « passif » de la part de consommateurs captifs. La multiplication d’acteurs et le développement des services énergétiques se heurte à ces habitudes de consommation bien ancrées.

Par ailleurs, les prix de l’électricité relativement bas en France, comparés aux voisins européens, ne permettent pas aujourd’hui aux services énergétiques de faire la différence sur la facture des clients particuliers. Dans cet ordre d’idées, il faut également mentionner « l’effet rebond ». Ce « paradoxe de l’efficacité énergétique » arrive lorsqu’un ménage a décidé de mettre en place des économies d’énergie sur un poste (par exemple, le chauffage, via la rénovation énergétique ou le recours à des services de suivi et de coaching), mais qu’il ne constate pas de réduction de sa facture. Le plus souvent, les économies réalisées sont compensées par une consommation accrue sur d’autres postes.


Si les services énergétiques accélèrent leur développement, l’évolution des comportements des clients est chose lente, qui doit être accompagnée. Il est alors important de se rappeler que les clients n’achètent pas des produits ou des services, mais des solutions à leurs problèmes. La montée de la conscience écologique face à l’urgence climatique, l’augmentation des prix de l’énergie et la proposition de solutions innovantes par de nouveaux acteurs feront sans doute évoluer la demande et le marché des services énergétique s’imposera peut-être comme un levier essentiel pour faire de la transition énergétique une réalité pour les clients finaux.