La demande d’énergie verte est en forte croissance. Comment s’assurer de la qualité des offres y répondant ?

Le système des garanties d’origine (GO) est aujourd’hui le seul mécanisme de traçabilité de la production des énergies renouvelables (EnR) existant dans le marché intérieur européen. Il concerne essentiellement le marché de l’électricité, bien qu’il couvre aussi les achats de biométhane dont le volume reste encore faible.

Mais le prix des GO a longtemps été trop faible pour profiter aux producteurs. Les dernières évolutions du dispositif, en France et en Europe, et le bouleversement de l’équilibre offre-demande vont-ils changer la donne ?

Quand les échanges d’électricité se mettent au vert….

La mise en place du système de traçabilité de l’énergie renouvelable produite a été progressive en Europe et en France (voir repère ci-dessous).

A la différence des certificats verts échangeables (certificats RECS), la garantie d’origine n’est pas présentée comme un mécanisme de soutien au développement des énergies renouvelables, mais bien comme un outil permettant de prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables. Une garantie d’origine, qui correspond à un volume type de 1 MWh, est ainsi délivrée au producteur proportionnellement à la quantité d’électricité produite à partir de sources d’énergies renouvelables et de cogénération.

En France, l’utilisation des GO est obligatoire depuis le 1er janvier 2012 pour toute offre commerciale se prévalant de l’origine renouvelable de l’électricité fournie.

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Depuis 2012, un registre français des garanties d’origine enregistre les quantités injectées de biométhane dans les réseaux de gaz naturel par les sites inscrits sur le registre ainsi que les GO transférées entre fournisseurs et vendues aux consommateurs finaux. GRDF en est le gestionnaire.

En 2021, 4 238 GWh de biométhane ont été injectés dans les réseaux de gaz naturel par les sites inscrit sur le registre, soit 98% de la quantité totale de biométhane injectée cette même année. Si les volumes restent faibles comparés aux GO électriques (92 TWh en 2021), la filière est particulièrement dynamique : les 168 nouveaux sites de production enregistrés en 2021 (portant le total à 358) ont permis de doubler le nombre de GO émises par rapport à 2020.

Les garanties d’origine sont délivrées par les gestionnaires de réseau de distribution (Enedis et les Entreprises Locales de Distribution) et de transport (RTE) aux producteurs raccordés à leurs réseaux. Une fois la garantie d’origine inscrite au registre national, lequel est géré par la Bourse européenne de l’énergie (EEX), le producteur a le choix de vendre son électricité avec la garantie d’origine ou de les vendre séparément.

Dans ce second cas de figure, l’électricité vendue d’un côté ne pourra plus être considérée comme de l’électricité d’origine renouvelable, mais, de l’autre côté, la garantie vendue pourra être utilisée par les fournisseurs pour attester auprès de leurs clients de l’origine renouvelable de l’électricité qu’ils consomment.

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…sans garantie de développement des EnR

L’augmentation du volume de garanties d’origine sur le marché européen est un indicateur fort du succès des offres d’électricité verte auprès des consommateurs. En France, 70% des offres d’électricité sont dites « vertes ». La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a d’ailleurs souligné que ces offres constituaient « le relais principal des offres de marché » sur les dernières années.

Cette croissance est cependant décorrélée du rythme de développement des nouvelles installations de production renouvelable. Significativement plus lent, il est selon l’ADEME bien davantage attribuable à la politique de soutien financier direct aux producteurs qu’au mécanisme des garanties d’origine.

Or, en France, ces différents dispositifs étaient exclusifs jusqu’en 2018. Un producteur souhaitant émettre des GO ne pouvaient bénéficier d’autres mécanismes de soutien public tels que les appels d’offres, les tarifs d’achat ou les compléments de rémunération. Les installations hydrauliques existantes et rentabilisées depuis longtemps étaient avantagées par ce système, au détriment des autres EnR.

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Mais avec l’introduction du principe de mise aux enchères au bénéfice de l’État des GO issues de la production d’électricité d’origine renouvelable, les producteurs peuvent à la fois bénéficier d’aides et de garanties d’origine. Depuis juillet 2021, ils ont même un droit de priorité sur l’achat de GO issues de leurs installations, ce qui devrait renforcer leur rentabilité.

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L’essor apparent des garanties d’origine ne doit cependant pas occulter la réalité du marché. En 2018, les quantités de GO offertes et demandées au niveau européen étaient respectivement de 594 TWh et 326 TWh, soit près de deux GO offertes pour une GO demandée.

La demande a augmenté depuis, mais la quantité de GO demandées en France en 2020 représentaient toujours moins de 70% de la quantité offerte, malgré une multiplication des offres vertes. Cette surcapacité persistante expliquait un prix de GO très peu attractif pour les producteurs. La demande en électricité verte, même en forte croissance, restait inférieure à l’offre.

Bien qu’il soit très peu rémunérateur pour les producteurs d’électricité verte, c’est donc paradoxalement le faible coût des garanties d’origine qui est à l’origine du développement des offres vertes.

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Vers un rééquilibrage de l’offre et de la demande

Les prix des GO européennes ont fortement augmenté en 2021 et la tendance s’accentue en 2022 puisque les prix avoisinent les 2,5 €/MWh. En 2020, le prix moyen de référence descendait parfois sous les 0,30 €/MWh.

La multiplication des offres vertes par les fournisseurs d’électricité et le fort intérêt de nouveaux consommateurs à couvrir leur consommation de 2022 via des GO explique en partie cette évolution. Mais ce sont surtout les grands groupes internationaux qui pèsent sur le marché en s’engageant à consommer 100% d’électricité d’origine renouvelable dans le monde. Ainsi, l’initiative RE100 réunit près de 350 multinationales autour de cet objectif, dont des industriels comme General Motors, TSMC, Schneider Electric ou encore Tata Motors.

Mais la poursuite de la hausse des prix des GO européennes n’est pas assurée. Elle pourrait être stimulée par une potentielle sortie de la Norvège et de ses barrages du système, ou, au contraire, être contrariée par l’arrivée sur le marché de l’Allemagne, seul acteur important à ne pas encore émettre les GO des producteurs bénéficiant d’aides étatiques. En 2020, ces producteurs représentaient à eux-seuls 220 TWh, soit environ 28% des émissions de GO en Europe la même année ! Seule une demande importante et soutenue pourrait limiter les risques de marché engendrés par une telle ouverture.

Vers un renforcement de la saisonnalité

Loin de refléter la réalité physique de la production et de la consommation d’électricité, le système des garanties d’origine est indépendant des contraintes temporelles et géographiques. Par exemple, une GO émise en Norvège au mois de janvier peut être achetée par un fournisseur français en mars et vendue au consommateur final au mois d’août.

Le système actuel ne prend pas non plus en compte les coûts de stockage éventuels et les impératifs d’équilibre du système. Lorsque des moyens carbonés sont activés pendant un pic de consommation, leur impact n’est pas compensé par les GO, en contradiction frontale avec la promesse des fournisseurs.

Devant le manque de cohérence évident du dispositif, la France a mensualisé le pas de mesure des garanties d’origine jusque-là annuel. Depuis 2021, les GO correspondants à des MWh injectés sur le réseau un mois donné doivent être utilisées pour garantir la consommation de clients le même mois. Les acteurs du marché européen semblent s’être adaptés à cette mesure purement nationale sans effet notable sur la saisonnalité des prix. Une telle évolution reste néanmoins encourageante pour améliorer la crédibilité du dispositif.

Vers plus de transparence

En France encore, une évolution réglementaire récente, le full disclosure, permet désormais la traçabilité par une GO de chaque MWh produit, renouvelable ou non, pour une plus grande transparence du mix électrique national.

La révision de la directive sur les énergies renouvelables RED II, incorporée au paquet climat européen et encore en discussion à ce jour, favorise la mise en place du full disclosure pour les pays membres du marché des GO. Il est donc probable que d’autres pays suivent la voie de la France.

Dans un même objectif de transparence, l’ADEME a lancé en octobre 2021 son label VertVolt pour améliorer la lisibilité des offres dites « d’électricité verte » et mettre en avant auprès des consommateurs celles qui contribuent vraiment au développement des renouvelables.

Alors que l’intérêt des clients pour les offres renouvelables ne faiblit pas, disposer d’une « boussole verte » plus fiable devrait permettre de consolider et d’optimiser le fonctionnement de ce segment du marché en plus de fluidifier les échanges. Un atout précieux dans un contexte de forte volatilité et d’attention portée à la provenance de l’électricité, qui pourra peut-être permettre au dispositif des garanties d’origine de trouver toute sa place.