Le Parlement européen a tranché : la vente de véhicules à moteur thermique neufs sera interdite à partir de 2035. Les véhicules électriques seront de facto les seuls autorisés sur le marché du neuf. La décision doit encore être examinée par le conseil européen et les chefs d’État, mais c’est un pas de plus vers l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 fixé par l’Union européenne (UE).

transports émissions véhicule électrique développement hybride france objectif par roulant

Le déploiement massif d’un réseau d’Infrastructures de Recharge de Véhicule Électrique (IRVE) est nécessaire pour démocratiser la mobilité verte. Aujourd’hui, la majorité des points de charge sont privés : en entreprise, pour recharger les voitures de la flotte ou des salariés, et chez les particuliers, en habitat collectif ou individuel. Mais cela ne suffit pas à sécuriser l’autonomie des véhicules : des bornes de recharge publiques doivent être disponibles pour permettre la recharge au cours d’un trajet.

Afin d’atteindre le ratio de référence conseillé par l’UE d’une borne de recharge pour dix véhicules, le gouvernement français avait fixé en 2020 l’objectif de 100 000 points de charge publics installés à la fin 2021. Ils n’étaient que 64 500 à la fin du premier semestre 2022.

bornes de recharge publiques France nombre évolution

Comment expliquer ce retard qui place la France à la onzième place des pays européens les mieux préparés à la mobilité électrique ? L’objectif de 100 000 points de charge publics est-il atteignable à court-terme ?

Accélérer pour ne pas se laisser distancer

Avec environ 15 véhicules électriques par point de recharge public, la France se rapproche du ratio préconisé par Bruxelles. Mais le parc roulant automobile évolue plus vite que les infrastructures. Le nombre de véhicules électriques par point de recharge risque donc d’augmenter avec le temps, ce qui entraverait leur développement à plus long terme. Plusieurs facteurs expliquent ce décalage :

  • La pandémie a retardé certains des projets alors en cours,
  • Les élections municipales de 2020 ont décalé certaines installations,
  • La production des bornes est elle aussi affectée par la pénurie mondiale de composants électroniques.

La dynamique d’installation est cependant très encourageante. À la mi-2022, le nombre de bornes avait augmenté de 48% en 1 an.

Les pouvoirs publics tracent la route…

D’importants dispositifs de soutien publics supportent cette vague d’installations :

  • Le programme Advenir finance le développement de bornes de recharge sur le domaine public ou en habitat collectif via les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) [1]. Il a été renforcé en 2020 pour prendre en charge jusqu’à 60% du coût d’une borne.
  • La loi d’orientation des mobilités (LOM) prévoit la prise en charge jusqu’à 75% des coûts de raccordement au réseau de distribution d’électricité. Depuis 2022, seuls les territoires couverts par un schéma directeur de développement des IRVE ouvertes au public peuvent bénéficier de ce soutien financier.

Ce changement en faveur de schémas directeurs locaux doit inciter les collectivités à s’emparer du sujet, car déployer un réseau d’IRVE à l’échelle nationale ne peut se faire sans un souci de cohérence et de maillage territorial.

Le cas de la région Île-de-France, la plus dotée en points de charge publics, prouve l’efficacité de la mobilisation conjointe des acteurs publics à différentes échelles. La collaboration de l’État, via le programme Advenir, de la Région, qui finance la moitié des coûts, des intercommunalités et des syndicats d’énergie a permis cette stratégie de déploiement efficace.

Au-delà d’un déploiement concerté à l’échelle locale, les grands axes parcourant le pays doivent également être équipés pour sécuriser les déplacements longue distance en véhicule électrique sur tout le territoire. Ainsi, toutes les aires de service du réseau d’autoroutes et des routes nationales seront équipées de stations de recharge rapide [2] d’ici le 1er janvier 2023, tant sur le réseau autoroutier concédé que sur le réseau routier national non concédé. Une enveloppe de 100 millions d’euros a été dégagée dans le cadre de France Relance pour cofinancer de 10 à 30% les coûts d’installation, jusqu’à 40% dans certains cas. Ces aides sont cumulables avec la prise en charge des coûts de raccordement au réseau prévue dans la LOM et désormais étendues aux raccordements jusque 5 MW (contre 1 MW auparavant).

…et les entreprises mettent les gaz

Les concessionnaires autoroutiers (APRR, SANEF ou encore VINCI, le plus important, dont 60% des aires étaient déjà équipées en mars 2022), les sous-concessionnaires en charge des stations-services, et les opérateurs de stations de recharge (Engie Solutions, Fastned, IONITY ou TotalEnergies qui prévoit de construire 300 stations de recharge haute puissance d’ici fin 2023, dont 100 sur autoroutes) sont déjà sur le pont pour réaliser ces objectifs.

Plus généralement, depuis la signature de la charte « Objectif 100 000 bornes » en 2020, c’est tout un écosystème d’acteurs privés qui se mobilise. On retrouve en première ligne les enseignes de grande distribution : E.Leclerc, LIDL, Système U, ou encore Carrefour qui ambitionne d’équiper tous ses hypermarchés et supermarchés d’ici 2025.

Quant au distributeur, Enedis se positionne en tant que partenaire essentiel et facilitateur tant sur le raccordement que pour expérimenter des solutions innovantes autour de la recharge et permettre à cette myriade d’acteurs d’atteindre conjointement l’objectif des 100 000 bornes. Tous s’accordent à dire que le contrat sera rempli au premier semestre 2023.

Dépasser les (100 000) bornes

Et après ? Le palier des 100 000 bornes n’est qu’une étape : entre 350 000 et 480 000 points de charge publics seront nécessaires en 2030 pour sécuriser le développement à grande échelle de la mobilité électrique en France.

Pendant la campagne présidentielle, le candidat Macron a promis 6 milliards d’euros pour le développement des véhicules électriques. Une part, encore indéterminée doit être consacrée au retrofit – c’est-à-dire à la remise à niveau d’une partie du réseau existant installé il y a plusieurs années – et à la mise en place « d’au moins 500 000 bornes publiques d’ici 2027 ». La promesse du candidat devrait satisfaire les besoins du pays en matière de bornes publiques. Charge désormais aux acteurs publics et privés de collaborer pour en faire une réalité.


[1] Les énergéticiens doivent accumuler un nombre de CEE proportionnel à leur nombre de consommateurs. Ils les obtiennent notamment en finançant des programmes comme Advenir ou en incitant leurs clients à effectuer des économies d’énergie.

[2] Une station de recharge regroupe plusieurs bornes ou points de recharge.