Le secteur du bâtiment représente 44 % de l’énergie consommée en France (contre 31% pour le secteur des transports) : sa décarbonation constitue un prérequis pour l’atteinte de la neutralité carbone. Au début de son nouveau mandat, Emmanuel Macron a réitéré sa volonté de l’accélérer. Cette ambition prend directement appui sur la dernière réglementation environnementale des bâtiments, la RE2020 (entrée en vigueur en janvier 2022).

Son enjeu : diminuer significativement les émissions du secteur en fixant des objectifs en matière de performance énergétique et d’émissions de GES. Ce faisant, la RE2020 mesure-t-elle ses répercussions sur la stabilité du système énergétique ?

La RE2020, la traque aux émissions de GES dans le bâtiment

La RE2020 vise à améliorer aussi bien des techniques de construction que les filières industrielles et les solutions énergétiques dans les usages liés au bâtiment. Elle doit ainsi permettre la construction de bâtiments qui consomment moins, grâce à des mesures de sobriété et d’efficacité énergétique, et qui utilisent des énergies moins carbonées pour tous les usages : la production d’eau chaude sanitaire, la climatisation, la ventilation… et surtout le chauffage, principal poste d’émissions de GES du secteur.

A cet effet, la RE2020 met en place deux nouveaux indicateurs qui influencent directement le choix des équipements de chauffage :

  • Un seuil ambitieux de consommation d’énergie primaire non renouvelable (CEP NR), pénalise fortement le chauffage électrique à « effet joule » (grille-pain) dans la construction neuve. Ceci sans doute pour le mieux car, peu coûteux à l’installation, ce type de chauffage électrique se révèle être peu performant énergétiquement et pèse fortement sur le réseau électrique au plus fort de l’hiver.
  • L’indicateur carbone de la consommation d’énergie (« IC énergie ») vise à limiter les émissions de GES relatives aux consommations d’énergie du bâtiment pendant son exploitation (à l’horizon 50 ans). Il exclut des nouveaux logements les combustibles fossiles, comme le fuel ou le gaz, à compter de 2022 pour les maisons individuelles et de 2025 pour les immeubles collectifs. Une décision avec un impact important puisque, sur 29 millions de logements, environ 12 millions sont chauffés au gaz.

Après l’interdiction du remplacement des chaudières au fioul, la RE2020 exclut les équipements de chauffage jugés trop polluants et fait de la pompe à chaleur (PAC) la grande gagnante de la réglementation. Mais ces arbitrages, réalisés sur la base des émissions de GES, minimisent en chemin un paramètre pourtant déterminant : la thermosensibilité du système énergétique.

La thermosensibilité, talon d’Achille du système énergétique français ?

Héritage de sa politique de réaction aux chocs pétroliers (1970s), le pays de l’atome a longtemps incité l’électrification des usages, notamment via le chauffage à « effet joule » et les pompes à chaleur (PAC) électriques. Le système énergétique français a ainsi accru sa sensibilité aux variations de température. RTE estime que chaque degré perdu en hiver fait augmenter la consommation d’électricité de 2 400 MW, c’est-à-dire environ la puissance de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Marne (deux réacteurs de 1 300 MW).

La primauté accordée par la RE2020 aux pompes à chaleur électriques pourrait renforcer cette vulnérabilité : malgré leur performance, ces équipements ne se défont pas de la contrainte hivernale. En effet, leur coefficient de performance (COP)[1] décroît avec la température, contribuant à accentuer la demande d’électricité en hiver.

Des leviers, en amont et en aval, pour renforcer la flexibilité du système énergétique

Face à cette sensibilité hivernale du chauffage français, le gestionnaire de réseau RTE rappelle que « l’augmentation de la part du chauffage électrique soulève systématiquement la question des besoins de flexibilité du système électrique pour assurer la couverture de la pointe saisonnière de consommation électrique ».

Plusieurs leviers capables de renforcer la résilience et la flexibilité du système énergétique peuvent être évoqués, comme les équipements multi-énergies tels que la pompe à chaleur hybride et le comportement éclairé des usagers.

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Pompe à chaleur hybride flexibilité stabilité

Les mécanismes volontaires de réduction de la consommation sont complémentaires au renforcement des capacités de production que les gestionnaires de réseau entendent bien mobiliser. RTE le rappelle : “si tous les Français éteignent une ampoule, cela entraîne une économie de consommation d’électricité de 600 MW soit environ la consommation d’une ville comme celle de Toulouse ». Dans le contexte d’incertitudes actuel, la réactivité des Français aux alertes émises par le dispositif EcoWatt – et par son homologue pour le gaz, en cours de développement – sera un levier essentiel pour passer l’hiver.

Au delà de la mobilisation ponctuelle des usagers, leur acculturation aux enjeux énergétiques sera structurante sur le long terme pour insuffler une dynamique de sobriété au sein de la société et impulser une transition dans tous les usages.


[1] Ce coefficient représente le rapport, en kilowatt-heure (kWh), entre la quantité d’énergie produite et la quantité d’énergie utilisée.